L’écriture sur soi aide-t-elle à se libérer de ses traumas ? La réponse à cette question n’est pas si évidente. Tout dépend de ce que l’on entend par « se libérer » et par « trauma ». Ou, dit autrement, tout dépend de l’ambition que vous placez dans votre écriture et de la profondeur de vos blessures. Au fond, qu’est-ce qui vous guide dans votre démarche ?
Si le but est seulement de vous soulager de quelques contrariétés ou d’une colère persistante, en lien avec un épisode précis de votre vie récente, prendre la plume ou le clavier peut vous apporter du réconfort. Mais cela sera-t-il aussi efficace qu’une bonne heure de course à pied ? Pas sûr.
Ecrire à fleur de peau, sous le coup d’émotions négatives, n’est pas propice au travail de mise à distance. C’est au contraire la quasi-certitude de vous perdre dans vos états d’âme. Si vous vous relisez à tête reposée, il y a fort à parier que votre prose vous paraîtra incroyablement égocentrique et prétentieuse.
Par ailleurs, faute de recul sur les évènements, vous risquez de propager une vision binaire, schématique, des conflits évoqués, ce qui est rédhibitoire pour quelque public que ce soit, y compris vous-même en tant que lecteur. Qui lira une histoire dont vous êtes à chaque page, à chaque ligne, la victime impuissante, se lamentant sur son sort ou étalant ses ressentiments à la face du monde ? La victime intéresse le lecteur dans la mesure où elle se rebelle, se relève de ses épreuves, ou du moins, agit en ce sens. Qu’avez-vous appris dans l’adversité ? En quoi avez-vous été transformé par vos expériences ? Ce sont ces questionnements qui conféreront épaisseur et puissance à votre propos.
A contrario, il est essentiel de laisser émerger les failles de vos antagonistes. La cheffe hystérique qui vous a pourri l’ambiance au bureau jusqu’à vous pousser dehors, ou le chefaillon acariâtre qui vous a tant brimé, ne peuvent-ils pas avoir été, eux aussi, sous un autre angle, des victimes ? Imaginez ! Avant de devenir les collègues imbuvables que vous avez subis, ils ont peut-être été persécutés durant leur enfance ? De surcroît, sont-ils heureux, aujourd’hui ? Vous apparaissent-ils épanouis, ou plutôt rongés eux-mêmes, de l’intérieur, par leur toxicité ?
Bien sûr, il ne s’agit pas là de les dédouaner de leurs responsabilités, de minimiser la réalité de leurs méfaits, ni de relativiser les préjudices que vous avez endurés. Il s’agit seulement de rendre vos personnages tangibles et appropriables par le lecteur, la lectrice. Dans la vie réelle, chacun, chacune a ses travers, ses parts d’ombre et ses mauvais sentiments. Et donc, la crédibilité de votre récit suppose de faire place à cette ambivalence constitutive de notre nature humaine. Une règle valable aussi bien pour les textes à caractère biographique que pour les fictions.
L’écriture libère des traumas dans la mesure où elle permet la nuance. Mais accueillir la nuance n’est pas toujours évident.
Coucher sur le papier les souvenirs d’une altercation qui vous a affecté, d’un litige dont vous êtes sorti perdant, d’une enfance malheureuse ou d’une expérience professionnelle décevante, c’est d’abord revivre des moments chargés en émotions. Il faut y être préparé.
Le processus d’écriture, par les reconstitutions qu’il impose au narrateur/à la narratrice, offre généralement à celui-ci/celle-ci un point de vue inédit sur les péripéties relatées. On voit des choses que l’on n’avait pas perçues dans le vif de l’action. On se découvre soi-même sous un nouveau jour. C’est une expérience enrichissante, qui peut toutefois se révéler, parfois, inconfortable et déstabilisante. Il est judicieux, alors, de s’associer les services d’un biographe – conseil en écriture. Celui-ci saura vous soutenir dans votre processus créatif, avec empathie, bienveillance et détermination.
Pour ma part, j’ai choisi de combiner ma formation littéraire avec l’exploration de différentes démarches d’accompagnement issues des psychothérapies humanistes. Je n’interviens pas comme thérapeute, mais ce parcours original me permet de vous proposer une pratique d’écriture véritablement émancipatrice, tournée vers la reconquête de votre destinée.